C’est par la danse que tout commence… C’est d’abord le souhait de sa mère et de sa grand-mère de la voir danser. À leur époque, le ‘ori Tahiti est encore mal vu, trop sensuel, trop libéré, trop débridé pour les bien-pensants et elles se retrouvent privées de ce plaisir. Les jeunes filles bien comme il faut ne dansent pas. C’est le diktat de la société ces années là.
Alors quand Hinatea grandit, elles la poussent à vivre ce qu’elles-mêmes n’ont pas pu vivre. C’est chez Makau Foster, cheffe de la troupe Tamariki Poerani, plusieurs fois primée au Heiva i Tahiti, et directrice de l’école de danse du même nom, que Hinatea va faire ses premiers pas.
Son cours de danse commence à 15h mais elle y est dès 11h, aimant regarder les cours, observer Makau Foster travailler sur la répétition des pas jusqu’à la perfection.
Déjà Hinatea contribue à encadrer les plus jeunes, prenant une place différente de celle de la simple élève.
À ses 13 ans, elle intègre la troupe Toa Reva, menée par Manouche Lehartel, personnalité incontournable de la culture polynésienne, présidente du jury du Heiva i Tahiti. Comme il y a d’autres Hinatea dans le groupe, on la surnomme « Bébé » pour la distinguer, un nom qu’elle continue de garder dans le monde de la danse.
C’est avec Mehiti Hart, qu’elle perfectionne sa danse et apprend également à faire des couronnes, fabriquer des costumes… Elle aime dire que ses premières créations étaient moches mais qu’elle a appris ! Elle part en tournées avec le groupe, notamment en Europe où elle rencontre d’autres peuples : « Des Srilankais, des Africains, des Mexicains, ils posaient des questions sur notre danse et nous sur la leur. J’ai rapidement compris que la danse était identitaire. On parlait de chez nous à travers elle.»
« Dès que je danse, plus rien n’a d’importance »
Elle voyage avec la danse, se sent libre grâce à la danse. Le ‘ori Tahiti est son échappatoire. « La danse c’est ma troisième dimension ! Dès que je danse, je suis dans un autre univers. Je me sens légère, portée, en transe. Plus rien n’a d’importance. Mon âme s’envole. »
Alors qu’elle est étudiante en France, elle rentre à Tahiti pour les vacances, retrouvant Makau Foster et ses cours de danse. Celle-ci encourage Hinatea à ouvrir sa propre école de danse, mais elle lui rit au nez : « Prof de danse ? Ce n’est pas un métier ! » Mais la graine est plantée et Hinatea donne déjà des cours à droite à gauche, au foyer des étudiants en France notamment. De retour à Tahiti pour de bon, Makau Foster l’embauche comme assistante. C’est la révélation, Hinatea est faite pour ça : « Quand tu vois la personne comprendre le pas, s’épanouir… c’est magique ! »
En 2008, elle ouvre sa propre école, Matehaunui, dont les cours se déroulent sous un préau d’une cours de récréation à Papara. De trois élèves à ses débuts, elle en compte cent, une année plus tard.
Son temps libre, elle le passe dans les bibliothèques pour approfondir ses connaissances de la culture polynésienne. Pas question de danser pour danser, elle veut comprendre les gestes et les enseigner à ses élèves. « J’ai besoin de donner du sens à ce que je fais. »
Après la crise sanitaire du Covid-19, elle reprend une année l’école de danse puis décide de la fermer pour se consacrer entièrement au Centre Culturel ‘ARIOI qu’elle a fondé en 2016.
La danse ne suffisait plus, elle voulait enseigner la musique, les percussions, les chants, la culture dans sa globalité. Aujourd’hui quand elle voit ses élèves en premières lignes des grands groupes de danse sur les scènes de Tahiti, elle est heureuse d’avoir contribué à leur épanouissement. L’enseignante les a toujours poussées à passer du temps à la rivière, écouter l’eau couler, les vagues se casser sur le récif, sentir le vent caresser leur visage. Écouter le battement du cœur de Tahiti pour danser en rythme avec le fenua.
Aujourd’hui, Hinatea accompagne en tant que consultante, auteure et chorégraphe des groupes de danse à l’international avec des workshops mais aussi l’écriture de thèmes et chansons.
C’est notamment avec Mevina Liufau et Napua Murphy, co-fondateurs du groupe Tavake Rereata au Japon, que Hinatea avec son compagnon Moe partage le plus leur passion pour la culture polynésienne.